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Séries et échelles asymptotiques

Selon l'origine combinatoire du problème, les séries génératrices que l'on est amené à étudier peuvent être données sous des formes diverses. Elles peuvent être connues sous forme explicite, mais elles peuvent aussi être définies par une ou plusieurs équations, fonctionnelles, différentielles ou aux différences. De même, leurs coefficients peuvent vérifier des récurrences de natures diverses. Manipuler ces fonctions définies implicitement nécessite des innovations théoriques, ainsi qu'un important effort d'implantation. Ce thème de recherche touche aux fondements du calcul symbolique, où il apparaît qu'il est paradoxalement souvent plus facile de traiter une fonction lorsqu'elle est représentée comme solution d'équations que lorsqu'elle est représentée sous forme close. En particulier, les questions de simplification et de formes normales qui sont une des difficultés majeures rencontrées par l'utilisateur trouvent une bien meilleure réponse dans ce contexte.

Le cas des solutions d'équations différentielles ou de récurrences linéaires attire beaucoup l'attention de la communauté de combinatoire et de calcul formel. De nombreuses suites et fonctions spéciales sont définies par de telles équations, qui bénéficient d'une algorithmique très riche. Le package gfun développé par B. Salvy et P. Zimmermann (projet EURECA) s'est enrichi cette année d'une nouvelle fonctionnalité produite par E. Murray qui prend en entrée la forme close d'une fonction et produit une équation différentielle linéaire dont cette fonction est solution (lorsqu'une telle équation existe). Cette fonctionnalité, qui effectue précisément le chemin inverse de celui vers lequel se précipitent nombre d'utilisateurs, permet ensuite de calculer des développements en série de manière plus rapide qu'avec la forme close ; elle permet également la localisation des singularités et le calcul des comportements au voisinage des singularités. Le package gfun comporte actuellement 4400 lignes de code MAPPLE. Il a fait l'objet d'une revue très positive dans Computing Reviews et est incorporé au superseeker de N. Sloane aux Bell Laboratories, accessible sur le Web et qui détermine de nombreuses suites d'après leurs premiers termes.

La thèse de F. Chyzak démarrée cette année s'inscrit également dans cette thématique, et s'attaque au problème multivarié, c'est-à-dire au cas des fonctions, suites, séries ou distributions définies par un système d'équations linéaires. Les opérateurs linéaires considérés ici peuvent être différentiels, aux différences, aux q-différences, ou de nombreux autres types. Le traitement porte en fait sur des polynômes de Ore, qui unifient les propriétés communes à tous ces opérateurs. Il s'appuie sur la théorie des fonctions holonomes de plusieurs variables qui garantit la clôture d'une très large classe de suites et de fonctions par des opérations simples comme la somme et le produit, mais aussi par les opérations plus compliquées de sommation et d'intégration. En pratique, l'étude de l'effectivité de ces propriétés de clôture dans le cas de la somme et du produit met en oeuvre des algorithmes simples et proches d'algorithmes existant pour le traitement des nombres algébriques, alors que dans le cas de la sommation et de l'intégration, les algorithmes requièrent la mise en oeuvre de moyens plus sophistiqués d'élimination dans des algèbres non commutatives d'opérateurs linéaires [37].

F. Chyzak a implanté ses algorithmes dans un package du nom de Mgfun pour le système MAPPLE. À ce jour, ce package est constitué de 8400 lignes de code, de 4400 lignes de documentation et de 2600 lignes de tests utilisés pour la maintenance du programme. L'intégration d'une partie de Mgfun à la bibliothèque standard Maple est prévue pour 1997, le Symbolic Computation Group de l'université de Waterloo ayant invité F. Chyzak à cet effet.

Les besoins de la combinatoire analytique en matière de développements asymptotiques dépassent les capacités actuelles des systèmes de calcul formel. En effet, les calculs de coûts moyens et plus encore de variance donnent systématiquement lieu à des annulations non seulement dans les premiers termes des développements mais aussi dans l'ordre de grandeur exponentiel des croissances. La construction automatique des échelles asymptotiques nécessaires et le calcul avec ces échelles pose de nombreux problèmes sur lesquels le calcul formel est en progrès rapide. Les premiers travaux sur ce sujet datent des années 90. En 1988, G. Gonnet et K. Geddes (créateurs du système MAPLE) proposent un modèle permettant de traiter des formules de complexité proche de la formule de Stirling. Puis en 1990, John Shackell (université de Canterbury) publie un algorithme qui permet de déterminer de manière garantie la limite des fonctions exp-log (fonctions de base de l'asymptotique). L'année suivante, la thèse de B. Salvy propose une première implantation de développements asymptotiques dans des échelles asymptotiques générales.

Après les travaux fondateurs de J. Shackell, de nombreuses classes d'équations ont été étudiées. Les équations différentielles algébriques peuvent dans une certaine mesure se traiter algorithmiquement, mais la complexité des algorithmes est pour l'instant exponentielle [23]. Les équations implicites ont longtemps résisté à un traitement systématique, mais un algorithme vient d'être développé par B. Salvy et J. Shackell [46]. Cet algorithme généralise des travaux antérieurs de B. Salvy et J. Shackell sur le cas des inverses fonctionnels, mais les méthodes sont assez différentes. Ces progrès n'ont pas toujours été suivi d'implantation. Les idées s'étant clarifiées au fil des années, il est apparu utile de donner une présentation pédagogique du cas le plus simple -- les fonctions données explicitement -- afin d'y intéresser les concepteurs des systèmes. C'est l'objet de [35]. Parallèlement et dans le même esprit, une nouvelle structure de donnée pour les développements asymptotiques vient de faire l'objet d'une proposition aux développeurs du système MAPLE. Là encore, on s'attaque à une brique essentielle du système, puisque les séries en MAPPLE sont la structure de donnée utilisée pour les polynômes, eux-mêmes base de nombreuses structures de données.



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